19 octobre 2014, Yangon. Point de départ de mes 3 semaines seul, sac au dos, à travers ce Myanmar dont je ne connais rien, mis à part quelques lectures.
Après plus de 14 heures de voyage, un taxi m’emmène à mon hôtel, le seul pour lequel j’aurai effectué une réservation avant mon départ. Dans la rue, ça grouille de monde. Je connaissais déjà l’Asie, mais là on est au niveau supérieur! 4,5 millions de personnes peuplent la plus grande ville du Myanmar. Mal à l’aise, je franchis la porte de l’hôtel. La réception ne paie pas de mine. Deux canapés usés y trônent au pied des escaliers qui mènent aux chambres. Il y fait sombre, une ventilation tourne péniblement et les regards braqués sur moi ajoutent à la lourdeur ambiante. Après avoir échangé quelques amabilités avec le réceptionniste, je récupère la clé de ma chambre. Je monte les escaliers. « C’est là! » Elle n’est pas grande, le lit n’est pas très propre mais cela suffira amplement pour cette première nuit! Et je ne suis pas venu pour vivre la vie de château…
Après m’être rafraichi et changé, je vide le contenu de mon sac à dos sur le lit pour n’y laisser que mon matériel photo. Je prends un taxi direction la Pagode Shwedagon, à quelques pas de là (me semblait-il). La pagode principale se voit de loin, de très loin même tant elle domine la ville. Mais ce n’est qu’une fois arrivé sur place que le gigantisme nous saute dessus. 56’000 mètres carré, plus de 70 pagodes, salles de prières et autres édifices religieux ornent le site. La tête commence à tourner, sensation accentuée par la chaleur et le soleil qui se réverbère sur les pavés de marbre. Tous les regards sont à nouveau sur moi, comme si d’un seul coup je parvenais à éclipser la beauté des lieux. Il faut que je trouve un endroit au calme, pour reprendre mes esprits…
Après avoir visité les lieux, non sans m’être délesté de quelques Kyats auprès d’un guide ayant su profiter de ma faiblesse du jour, j’ai voulu visiter les environs. Mal m’en a pris puisque quelques minutes auront suffi pour qu’un véritable déluge s’abatte sur la ville. Des pluies torentielles qui transforment rapidement les chemins de terre en petits ruisseaux. Je m’abrite. J’attends. De longues minutes, peut-être même une heure. Je commence à me demander ce que je fais à l’autre bout du monde, tout seul. Puis vient l’éclaircie. J’en profite alors pour faire quelques clichés de ces ambiances si particulières d’après-orage. La Pagode Shwedagon est au loin. Je me demande où peut bien se situer mon hôtel quand tout à coup la nuit tombe. Je n’ai jamais vu une nuit tomber aussi soudainement. « Merde! Il faut que je rentre à l’hôtel! »
Je cours vers ce qui me semble être une route principale, guidé par le bruit incessant des klaxons. J’arrête un taxi, puis un deuxième. Un troisième. Personne ne semble savoir où se trouve mon hôtel. Il est évidemment plus facile de t’emmener au lieu le plus touristique de la ville que de connaitre un hôtel pourri planté je ne sais où… Le quatrième est le bon. Ouf! Je respire enfin. Pour quelques minutes seulement… Le type me dépose devant un hôtel … qui n’est pas le mien… Je le lui fais remarquer, suscitant un haussement d’épaules et un regard dans lequel j’ai pu lire: « Sorry… » La panique me gagne quelques instants. « Reprend-toi! Réfléchis! » Je rentre donc dans cet hôtel et me retrouve face à une demi-douzaine de Birmans hilares. Ils ne s’arrêtent plus de me dévisager et de rire … La colère monte gentiment. « Reste calme… » me dis-je. Je leur demande s’ils connaissent mon hôtel. Je les implore de m’aider… Ils se concertent, me regardent, regardent mon livre sur lequel est noté l’adresse de l’hôtel. Ils rient. Intérieurement, je pleure. Un type s’approche de moi et me demande de le suivre. Arrivés dans la rue, il parle à un chauffeur de taxi. « Il connait, mais il faudra bien le payer. Combien tu donnes? » « Ce qu’il veut… » répondis-je du tac-au-tac.
Arrivé devant mon hôtel, je suis vidé. Il y a quelques minutes encore j’envisageais de passer cette première nuit dehors, dans un parc à l’abri de ces 4,5 millions de regards qui me fixent en permanence… Et là je retrouve cette bonne vieille réception, ces canapés usés qui sont devenus l’espace d’un instant mon îlot de sécurité, seul endroit de l’hôtel où le Wi-fi me permettait de contacter ma famille. « J’ai vécu l’enfer… » ai-je dû dire à ma compagne qui, de l’autre bout du monde a tenté de me remonter le moral tant bien que mal. Il est l’heure d’aller dormir. Demain je quitterai cette ville que je déteste tant.
Aujourd’hui, je veux me réconcilier avec Yangon. Je veux à nouveau croiser ces 4,5 millions de personnes qui ne m’ont jamais voulu aucun mal. Je veux profiter de la beauté de la Pagode Shwegadon. Je veux flâner dans les rues. Je veux danser sous les pluies tropicales…
[/et_pb_text][/et_pb_column][/et_pb_row][/et_pb_section]